La mode de 2030 :
vers une mode circulaire et transparente

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janvier 19, 2022

Après 3 années de collaboration avec la Fashion Tech Week Paris, la Chaire BALI (Biarritz Active Lifestyle Industrie : centre d’information et de recherche sur les disruptions technologiques du futur pour les entreprises de la mode et du textile) se rapproche cette année de Paris Good Fashion et organise l’événement BIARRITZ GOOD FASHION.

L’événement se voulait le temps fort néo-aquitain de la mode circulaire, agile et transparente, et a accueilli plus d’une centaine de professionnels de la mode.

La journée était répartie en différents thèmes sur la mode de demain et accompagnée de divers témoignages d’entreprises et intervenants. Voici quelques retours des personnes qui y ont participé chez SEI.

PREMIER TEMPS FORT : LA MODE A 2030 : comment les professionnels de la mode se préparent à la décennie à venir ?

Par Laëtitia Hugéde PANDO, accompagnée des témoignages de Laurent Valette de Texeurop, et Florence Lopez de Lothaire.

La décénie de l’engagement
Une nouvelle étape dans le paysage économique français est la Loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises). Son ambition est claire : des entreprises libérées, mieux financées, plus innovantes et plus justes. La communauté des Entreprises à Mission est une communauté composée d’entrepreneurs, dirigeants, chercheurs, experts, actionnaires et salariés, qui, en partageant leurs réflexions et leurs expériences de sociétés à mission, contribuent à son essor et à la création d’un impact positif (exemples de Sociétés à Mission : Aigle, Le Slip Français, Faguo, Camif…).

La décénie de la planète
L’impact de la mode, de l’industrie textile, sur l’environnement sont explicites :

– 130 milliards de vêtements sont consommés chaque année dans le monde, soit 60 % de plus qu’il y a quinze ans.

– L’industrie textile est le troisième secteur le plus consommateur d’eau dans le monde après la culture du blé et du riz. La production de textile utilise 4% de l’eau potable disponible dans le monde.

– 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre sont émis chaque année par le secteur du textile, ce qui représente jusqu’à 10 % des émissions de gaz à effet de serre mondiaux.

Les entreprises du secteurs ne se posent plus la question « faut-il agir ? » mais « comment agir ? » (ex: Zadig et Voltaire qui se fixe des objectifs clairs pour 2025 sur la durabilité de ses emballages ou de ses boutiques entre autres)

La décénie du partenariat
La covid-19 a fortement impacté les donneurs d’ordres ainsi que les fabricants en Asie. La cause : les annulations de commande. Fermetures d’usine, personnes sans travail ou licenciées (très souvent sans indemnité), des stocks non utilisés : environ 80% des travailleurs ont été impactés dans le monde. Pour renforcer les partenariats entre entreprises, fournisseurs, ou encore distributeurs, une grande accélération de la digitalisation des entreprises se constate. Les enjeux d’outils digitaux intégrant les partenaires : un meilleur partage de l’information, la fluidité et la fiabialité de la donnée.

La décénie de l’intéraction avec le consommateur
Les consommateurs ont tendance à utiliser de plus en plus la vente en ligne. On constate un désengagement de certaines marques sur leurs boutiques physiques (ZARA veut par exemple fermer 1200 boutiques dans le monde), ou GAP envisage de quitter totalement l’Europe). La relation avec les consommateurs évolue donc sur le digital (réseaux sociaux, e-commerce). Cela s’accentue MAIS il faut aussi continuer d’embarquer les personnes en marge d’internet (catalogues, phoning).

DEUXIEME TEMPS FORT : LA CONTRIBUTION DE LA CHAIRE BALI : retour et partage sur les travaux de la Chaire pour accompagner la transition de l’industrie

Avec Anne Masanet de Petit Bateau, Damien Saumureau de Decathlon France, Gauthier Bedek de Groupe ERAM et Patrick BOURG de Belharra Numérique.

Le groupe de travail sur la collecte ciblée pour une circularité complète, emmené par Damien Saumureau de Decathlon, a pour ambition d’améliorer les process de collecte pour rendre viable et rentable le recyclage des matières. Aujourd’hui on fait le constat que dans la plupart des productions textiles, il a déjà des produits recyclables, qui ont besoin de très peu de démentelage, mais le circuit tel qui est conçu ne permet pas de réutiliser ce gisement de matière à grande échelle. Avec des acteurs comme Kiabi, Decathlon et les Galeries Lafayette, le groupe de travail teste donc actuellement différentes approches de collecte comme la collecte ciblée qui consiste à rappeler certaines natures de produits (jeans, tshirt coton blanc) sur une période définie dans leur points de vente.

Ces différents tests permettront d’identifier les façons de collecter qui apporteront le meilleur résultat sur toute la chaine, jusqu’à un recyclage rentable pour fabriquer de nouveaux vêtements.

Le groupe de travail sur la conception de produits circulaires pour une mode responsable cherche à fixer les 1ères règles de l’éco conception et à trouver des outils et des indices de mesure de la circularité d’un produit : Le groupe a l’ambition de diffuser pour 2022 une grille de critères avec une méthode de calcul associée. Celle-ci permettra ainsi d’évaluer les produits selon leur indice de réparabilité, de recyclabilité et de durabilité. « L’objectif c’est que cet outil puisse être utilisé par les chefs de développement produit comme par les stylistes. » Avec les nouvelles normes européenne et les attentes des consommateurs, c’est aussi une question de compétitivité que de savoir définir l’indice de circularité d’un produit.

Un 3 ème axe de travail concerne la traçabilité augmentée pour plus de transparence. L’objectif de ce groupe de travail est d’aider les marques à passer d’une communication RSE institutionnelle(sur leurs engagements) et à des informations précises et vérifiées sur chaque produit.

Le groupe travaille sur un passeport digital qui correspond à une étiquette augmentée offrant à des données attachées au produit. Il permet d’expliquer l’histoire de sa fabrication (matières, transformations, façonniers), les impacts environnementaux, la composition détaillée, d’avoir accès à des documents liés au produit et d’intégrer les différentes vies du produit (avis clients, reventes). L’accès à cette étiquette augmentée se fait par scan d’un QR code. Deux POC ont été réalisé l’un pour ERAM , l’autre pour le collectif TRICOLOR . Ce deuxième projet répond au besoin de mettre en place un outil de traçabilité pour relier les acteurs de la filière laine française, avec une matière première qui aujourd’hui est un coût pour les éleveurs. Les données collectées tout au long du cycle serviront pour le pilotage des stocks et gisements de la filière, et l’amélioration continue de la qualité de la laine.

Côté Petit Bateau et CETI(centre des textiles innovants), c’est l’expérimentation d’une fabrication agile qui est à l’œuvre : « Produire moins mais produire mieux, produire plus vite et au plus proche des clients ». Le groupe de travail a pour objectif de délivrer l’année prochaine un mode opératoire et des outils pour la mise en place de cette fabrication sur demande . Pour cela, le CETI a mis à disposition du projet ON DEMAND FOR GOOD, la première plateforme industrielle 4.0 de conception et production à la demande : http://www.ceti.com/on-demand-for-good/.

Le challenge est de mettre sur pied des unités hyper agiles permettant de produire de courtes séries en quelques jours, voire quelques heures avec par exemple un changement rapide de la configuration de l’atelier en fonction de la pièce à produire.

« Produire à la demande » change la donne pour toute l’entreprise pas simplement pour la production admet Anne Masanet. Cela va modifier les repères de tous les métiers : acheteur, styliste, logisticiens. La donnée sera clé et il faudra être en capacité d’analyser les ventes et anticiper les besoins.

«  Tester, apprendre en faisant, ne pas avoir peur de se tromper » et « Embarquer TOUT le monde, tous les maillons de la chaine doivent comprendre les changements » sont les clés pour réussir cette transformation.

Petit bateau a réalisé un POC sur 10 000 pièces et partagé ses résultats à la filière. La marque ambitionne de passer à 30% de production agile.

Sur chacun des axes, les intervenants ont l’ambition de proposer un modèle qui pourra être industrialisable et duplicable par des acteurs établis du secteur.

TROISIEME TEMPS FORT : LA MATIERE RECYCLEE : UNE REALITE INDUSTRIELLE EN 2030 ?

Avec Sophie Bonnier de Kering, Isabelle Cornu Anton du CETI Centre Européen des Textiles Innovants, Clément d’Audiffret de Renaissance Textile et Sophie Pignères de weturn.

Il n’y a pas que l’industrie de la mode qui utilise du textile, il y a aussi l’automobile, l’aéronautique, le bâtiment, la santé, l’hygiène. Aujourd’hui l’enjeu d’accès à la ressource devient de plus en plus prégnant, et quand la supply chain se bloque (comme vu avec la crise Covid), les matières restent bloquées dans les bateaux, les pays de production … Par ailleurs, on connait le désastre écologique de la gestion des déchets textiles. Pour lutter contre le gaspillage et favoriser l’économie circulaire, la France a voté la loi AGEC (février 2020), renforcée par la loi CLIMAT (août 2021) qui donne un grand coup d’accélérateur à la transition écologique.

Dans cette transition, les entreprises jouent un rôle clés et vont devoir :

– Optimiser le cycle de vie des produits

– Allonger la durée de vie des produits

– Intégrer un taux minimal de matière recyclée dans la fabrication

Les marques s’engagent, prennent des engagements publiques, exemples :

– KIABI s’engage à ce que d’ici 2025 100% de l’offre intègre des matières recyclées

– DECATHLON à horizon 2026 100% du polyester sera recyclé

– H&M : à horizon 2025 les produits contiendront 30% matières recyclés

On observe un engagements des marques pour avant 2030, certaines devançant ainsi la légifération.

QUATRIEME TEMPS FORT : LA PRODUCTION 4.0 AU SERVICE D’UNE REINDUSTRIALISATION DURABLE

Avec Philippe RIBERA de Lectra, Basile Ricquier de 3D-TEX, Antoine Saint-Pierre de Les Tissages de Charlieu et Gilles Reguillon, CEO de CHAMATEX GROUP pour ASF 4.0

Les nouvelles générations qui arrivent sur le marché du travail ne sont plus du tout pour des process archaïques de production et des circuits longs (usines de production en Asie, taylorisme, etc.). Les entreprises de la mode optent de plus en plus pour des circuits courts (production locale), éthiques, transparents et surtout plus éco-responsables. Le challenge est de fournir à ces entreprises des usines de production ici, en France. En garantissant à la fois qualité, éco-responsabilité et prix accessibles. C’est ce que l’on appelle le mouvement de réindustrialisation durable, le « made in France ».

Pour relever ce défi, les entreprises de production se tournent vers le numérique et l’automatisation des usines. On parle de Production 4.0 : des processus intégrant du Cloud, de la Big Data, de l’IOT, et de l’IA. Une solution qui amène à penser « suppression des petites mains » et suprématie de la machine. Mais qui, en réalité, nécessite une main d’œuvre qualifiée et des gestes métiers obligatoires au bon fonctionnement de ces nouvelles usines, et créé également une belle émulation dans les secteurs de l’ingénierie et de la R&D.

Nous avons assisté à des témoignages d’entreprises françaises redoublant d’inventivité pour produire de manière durable : recyclage, circuits automatisés, etc. Ces entreprises expliquent également qu’à la fois le secteur de la mode et l’état français soutiennent ces initiatives. Les marques font confiance à ces nouvelles usines, remplissent lescarnets de commande pour financer ces projets, et l’état offre également de nombreuses subventions.